LES DÉTOURNEMENTS PAR SALARIÉ,
HISTOIRES D’UNE SINISTRALITÉ ANECDOTIQUE
Anecdotique : qui a le caractère de l’anecdote,
qui ne touche pas à l’essentiel.
Anecdote : fait de caractère marginal, relatif à une ou à des personnes, inédit ou peu connu, auquel on peut attacher une signification, mais qui reste accessoire par rapport à l'essentiel mais aussi : bref récit d'un fait curieux ou pittoresque, susceptible de divertir.
Le détournement par salarié c’est tout cela au regard de la sinistralité globale enregistrée au titre du contrat Groupe RC professionnelle souscrit par le Conseil supérieur au bénéfice des experts-comptables adhérents.
Le sinistre détournement de fonds ne touche pas à l’essentiel des mises en cause de la responsabilité de l’expert-comptable puisqu’il représente en nombre 2 % de la sinistralité générale et 7 % du coût global des sinistres et ce sur les 10 dernières années.
Mais attention, un sinistre, qui reste accessoire par rapport aux autres sinistres, peut cependant causer quelques frayeurs à l’expert-comptable dont on recherche la responsabilité, eu égard aux réclamations qui sont présentées pour des quantums très élevés par les victimes de ces détournements et également au regard des indemnités qui leur sont effectivement versées dans le cadre des procédures amiables ou judiciaires, indemnités qui parfois dépasseront le montant acquis de l’assurance souscrite (notamment lorsque celle-ci est de 500 000 euros par sinistre).
La matière est aussi constituée de faits curieux, pittoresques et susceptibles de divertir tant nous sommes souvent subjugués par l’imagination et l’ingéniosité (entendez par là, la sophistication des moyens mis en œuvre) des auteurs de ces malversations et par la naïveté des personnes qui entourent les auteurs de ces faits.
Bien évidemment comme il faut trouver de nos jours un responsable à chaque mal, pour ne pas dire un payeur, rien de plus simple que se tourner vers le professionnel du chiffre qui doit lui manifestement être imaginatif, ingénieux et clairvoyant.
Heureusement, une bonne défense mettra le plus souvent à mal les arguments avancés par les plaignants : la démonstration de la sophistication des méthodes va montrer la difficulté qu’il y avait à détecter les fraudes et celle des moyens de détection mis en œuvre pendant la mission va démontrer les efforts réellement fournis par l’expert-comptable (contrôles, sondages…).
Il n’est pas inintéressant ici de s’attarder sur la décision du TGI de Toulouse
du 6 juillet 2012 qui résume assez bien la jurisprudence en la matière :
« Si l’expert-comptable n’est tenu que d’une obligation de moyens encore faut-il qu’il fasse preuve de sagacité et de discernement et il ne peut se contenter de reproduire les données comptables transmises […] sans en vérifier la réalité. Il doit réaliser des sondages significatifs lui permettant de s’assurer de la cohérence et de la vraisemblance des comptes les plus sensibles. À intervalles réguliers dans la vie de l'entreprise, il doit renforcer ses moyens de contrôle et lorsqu'il soupçonne quelque anomalie ou irrégularité, il doit procéder à des investigations plus poussées ».
Rappelons enfin que l’expert-comptable n’est tenu qu’à une obligation de moyens. Le quantum du préjudice n’est pas le montant total de la somme détournée mais une fraction de celle-ci par application du principe de la perte de chance, d’avoir été en mesure de détecter les détournements, imputables aux professionnels dont la responsabilité est recherchée.
Sophie ABIVEN
Directrice du pôle des professions réglementées
Jean-Pierre SARRAZIN
Chargé de mission
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